Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11 janvier 2019

Emploi : 2019 commence sur une fausse note !

 

téléphone rouge.pngNouvelle vague de départs chez Proximus (ex-Belgacom) !

Ce n'est pas la première et l'on doute que ce soit la dernière !

Cette fois, 1.900 membres du personnel devraient perdre leur job dans les prochains mois, alors que le niveau de l'emploi n'a cessé de dégringoler depuis 3 décennies : fin des années 80, l'ancienne RTT employait près de 30.000 personnes ; aujourd'hui, il en reste un peu plus de 13.000 !

Cette tendance lourde, connue de tous, n'a toutefois pas empêché l'expression de réactions incrédules de nombreux «acteurs politiques» qui répètent en boucle, dans les médias, n'avoir «rien vu venir», alors que l'Etat est toujours l'actionnaire majoritaire de l'opérateur historique des télécommunications ! Bien entendu, la menace de «licenciements secs» dans une société anonyme «de droit public», en pleine année électorale, n'est vraiment pas un timing idéal pour les partis qui se sont succédé au pouvoir et qui portent une responsabilité dans la «libéralisation» du secteur et le processus de privatisation de l'entreprise !

Et dans la galaxie syndicale ? Pas mieux ! CSC-Transcom et CGSP-Telecoms ont d'abord affiché leur surprise, avant d'exiger des «éclaircissements» du top management de Proximus dans le cadre de l'ouverture d'une «concertation». Sous la pression de leurs affiliés mécontents, les «organisations syndicales représentatives» appellent finalement à la grève ce mardi 15 janvier, le jour même où ils devraient rencontrer la direction pour déterminer... un calendrier de négociations !

Du côté patronal, on a eu droit aux couplets traditionnels sur les «évolutions technologiques» (en l'occurrence ici, le «digital»), la «concurrence de plus en fibre.jpegplus rude», ou les contraintes économiques de la globalisation financière, toutes «réalités» qui rendraient indispensables une restructuration supplémentaire, rebaptisée pour la circonstance «transformation» ! La créativité des «communicants» n'a décidément pas de limites...

Bref, chaque intervenant connaît sa partition, et au delà d'une phase transitoire nécessaire à la gestion du choc social, surtout pour les principaux intéressés, tous espèrent sans doute engager une discussion afin de pouvoir adopter un «plan social» qui permettra de dégager sans trop de remous le personnel ciblé : les agents statutaires, âgés et qui n'ont pas les qualifications suffisantes pour affronter les métamorphoses du monde numérisé ! Gageons que l'accent sera mis sur le «volontariat», tant en matière de reconversions internes que de départs, sous une forme ou une autre : congé préalable à la retraite, pré-pension ou pension, voire réorientation vers d'autres entreprises ou administrations. Mais il n'est toutefois pas assuré que cet exercice suffise à éviter la distribution de C4. De toutes les façons, quelles que soient les modalités négociées, il y aura des pertes d'emplois !

Ce scénario-catastrophe s'inscrit sans surprise dans une triste continuité, que d'aucuns feignent d'ignorer ou d'oublier.

L'occasion de rafraîchir les éventuelles mémoires défaillantes.

  • 21 Mars 1991 : la «loi sur l’autonomie de gestion des entreprises publiques» est adoptée. Le ver de la libéralisation et de la privatisation entre alors dans le fruit des «entreprises publiques autonomes» ainsi créées. Elle répond aux directives d'une l'Union européenne désireuse de briser les «monopoles du secteur public». Les dirigeants syndicaux de l’époque réagissent de manière timorée, quand ils ne se réjouissent pas de cette modification législative qui, à leurs yeux, ne peut que renforcer ces entreprises qui seront confrontées à une concurrence impitoyable.

  • 1992-1994 : Belgacom voit officiellement le jour et les premiers changements internes importants ne tardent pas. Un système d’évaluation des agents est notamment introduit dans le cadre d’un statut administratif aménagé, qui favorise un processus «d’individualisation» pénalisant pour la solidarité entre membres du personnel. Cette «réforme» passe également comme une lettre à la poste, sans réelle opposition syndicale.

  • 1994-1995 : la fameuse opération de « consolidation stratégique », c'est-à-dire la demi-privatisation de Belgacom ! Les trois syndicats publient l’un ou l’autre communiqué de presse, leurs porte-parole livrent quelques commentaires dubitatifs aux journalistes, mais ils ne mobilisent pas contre ce coup de force. Cette attitude passéiste va laisser des traces : la brèche est désormais ouverte pour une privatisation plus vaste de l’entreprise. Les travailleurs ont subi un revers décisif, sans combattre.

  • 1996 : le plan «Turbo».  Belgacom est découpée en « business unit »  et en « centres de profit » ;  la « culture d’entreprise » privée devient hégémonique. Ce découpage, et la dispersion du personnel qui en découle, annoncent des restructurations majeures. Ici aussi le sommet des organisations syndicales ne réagit pas. Au contraire : il est confirmé, avec son accord tacite, l'arrêt du recrutement de travailleurs statutaires (il n’y a jamais eu la moindre action précise pour s’opposer à cette décision, même pas une pétition ou une «minute de silence»…) !

  • 1997 : le plan PTS (People, Teams and Skills – «des personnes, des équipes et des compétences» !)  est avalisé et se solde par 6.000 pertes d’emplois et 6.000 réaffectations internes des désormais «collaborateurs». Avec l’appui unanime du front commun syndical, alors que l’entreprise accumule de plantureux bénéfices et ne connaît aucune difficulté financière ! La mesure est décrétée «socialement acceptable», même si 6.000 suppressions de postes de travail représentent la disparition de 6.000 possibilités de trouver un débouché professionnel pour les nombreux chômeurs. La rhétorique syndicale sur la «priorité absolue à l’emploi»  perd beaucoup de sa crédibilité ! D'autant qu'accepter un recul massif du volume des effectifs revient à accepter la conception mortifère de l'emploi comme « variable d'ajustement » pour des entreprises exclusivement en quête de rentabilité financière !

  • 1999 : un nouveau statut syndical est ratifié par le SLFP et la CGSP, le syndicat majoritaire de l'époque. Pourtant, ce statut brade l’autonomie des syndicalistes, limite leur liberté d’action, et renforce les possibilités d’ingérence du management  de l’entreprise dans la vie des organisations syndicales. La CSC, pour sa part, ne cautionne pas. Mais, concrètement, elle n’entreprend rien pour mettre en échec la manœuvre.

  • 2001 : encore un nouveau plan, baptisé en toute simplicité… BeST.  Le couvert est remis et les syndicats acceptent 4.000 nouvelles pertes d’emplois et 3.000 reconversions forcées supplémentaires, lesquelles vont encore générer un peu plus de souffrance au travail, et beaucoup de désarroi parmi le personnel de l’entreprise. Une diminution des «coûts salariaux» qui dopera encore plus les résultats financiers de Belgacom.

  • 2004 : boum badaboum, voici l’entrée en Bourse de Belgacom, une opération qui bénéficie du plein soutien du gouvernement à participation socialiste. Les syndicats prennent acte, se limitant à critiquer certains aspects de cette décision, et en prenant soin de ne pas décréter la moindre action ! Les boursicoteurs, eux, se réjouissent sans retenue de cette décision (attendue de longue date !), censée renforcer la «bonne santé  financière» du Bel 20

  • 2005 : l’état-major du front commun syndical,  une nouvelle fois uni pour la circonstance, fréquente assidûment le cabinet du ministre des entreprises publiques, Johan Vanden Lanotte, pour négocier un … enième plan de départs ! Il est notamment prévu de mettre en «disponibilité structurelle» des agents statutaires, alors en difficulté, et de licencier purement et simplement leurs collègues contractuels placés en «réaffectation de longue durée». Seule la CSC  finira par s’y opposer, suite au veto massif de ses militants. Après plusieurs journées de grève, elle introduira une série de recours devant le Conseil d’Etat, et elle obtiendra tardivement gain de cause. Belgacom devra donc réintégrer le personnel statutaire banni, mais pas les contractuels qui auront bel et bien perdu leur emploi !

  • 2006-2010 : des conventions collectives, qui ne rencontrent pourtant pas les exigences  syndicales énumérées dans les différents cahiers revendicatifs, entre autre en matière d’augmentations salariales substantielles, sont néanmoins signées. Par ailleurs, la politique de dégagement de l’emploi se poursuit avec l’adoption de nouveaux «projets» :  le «tutorat»,  qui a pour ambition  «d’encourager»  3.000 salariés à mettre prématurément un point final à leur carrière (dès l’âge de 58 ans !) ; et la promotion tapageuse de la «mobilité fédérale» (départ définitif vers la fonction publique) destinée à séduire quelques centaines d’autres agents fatigués d’être en permanence malmenés. Toutes celles et tous ceux qui partent ne sont pas remplacés. Un principe admis sans difficulté par les trois syndicats qui, pour montrer leur bonne volonté, marquent par la suite leur accord sur un nouveau statut régressif pour l’activité syndicale !

  • 2011-2016 : de nouvelles CCT au rabais qui confirment le blocage de facto des salaires, accordent des « avantages» qui ne coûtent guère à l’entreprise, planifient de nouveaux reculs des droits syndicaux et, cerise sur le gâteau, en mars-avril 2016 la signature d'un nouveau «plan de départs», sans aucune exigence en terme de compensation des personnes optant pour un «congé préalable à la retraite».

On le constate, la déflagration de cette semaine s'inscrit dans une longue trajectoire socialement régressive. Laquelle n'a cessé d'affaiblir les travailleurs et leurs organisations tout au long de cette période.

Malgré un rapport de force dégradé, il n'existe cependant d'autre choix que de lutter, car un nouveau recul entraînerait immanquablement la préparation de nouvelles mesures d'économies sur les «coûts du travail» et, dès lors, sur le dos de travailleurs qui ne cessent pourtant d'être bousculés depuis un gros quart de siècle !

achille.pngQuelles devraient être les revendications prioritaires ?

Quelques suggestions :

  • L'emploi ne peut plus être une «variable d'ajustement» pour des actionnaires avides de dividendes élevés, en ce y compris l'actionnaire «Etat» ; il ne peut plus être sacrifié sur l'autel de la course au profit maximal et il doit maintenant être entièrement préservé.

  • Par conséquent, chaque départ «naturel» (pension, décès, ...), -ou, le cas échéant, dans le cadre de dispositions complémentaires pour un départ anticipé du personnel âgé-, doit être compensé par l'embauche d'un(e) chômeur(se).

  • Les gains de productivité, acquis notamment grâce aux avancées technologiques, doivent permettre une réduction généralisée du temps de travail, sans perte de revenu. La semaine de 32 heures pour toutes et tous !

  • Une formation continue et de qualité pour tous les membres du personnel, sans exception.

  • Pour contrer les risques de division entre salariés, il faut en revenir au recrutement d'agents statutaires et accorder à tous les contractuels ce statut plus protecteur. Il ne peut y avoir d'entreprises publiques sans personnel sous statut public !

  • Un meilleur partage de la richesse produite par les travailleurs, par le biais de conventions collectives axées -entre autre- sur une revalorisation salariale structurelle.



Mais naturellement, il appartient maintenant aux membres du personnel concerné -et à eux seuls- de prendre position et de définir une ligne de conduite pour l'avenir.

22:53 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

Les commentaires sont fermés.